Le Parlement européen renouvelle l’accord de pêche

Peut-on parler de réels « bénéfices » ? En l’absence de données fiables sur le territoire, que le Maroc n’est pas contraint de fournir puisqu’il n’est pas considéré par l’ONU comme la « puissance administrante » (10), impossible de répondre de façon certaine. L’instrumentalisation de cette question pour servir la politique royale, en revanche, ne fait aucun doute. La définition en novembre 2013 d’un « nouveau modèle de développement des provinces du Sud » élaboré par le CESE avait pour but d’apporter la contribution de la « société civile » à la « réussite de l’initiative marocaine d’autonomie » (11). Depuis 2007, Mohammed VI présente celle-ci comme le contre-projet au référendum d’autodétermination demandé chaque année par l’ONU depuis 1991.

Dernier exemple en date : le 10 décembre 2013, la majorité du Parlement européen a validé le nouvel accord de pêche qui doit prolonger, entre 2014 et 2017, celui de 2007-2011. Cette fois encore, le Maroc comprend — sans même que cela soit mentionné dans le protocole — les eaux du Sahara occidental. L’accord prévoit à nouveau le versement d’une subvention annuelle (30 millions d’euros, au lieu de 36 précédemment, pour développer le secteur de l’industrie). En contrepartie le Maroc attribue des licences à des bateaux européens et des quotas de pêche espèce par espèce. La même assemblée ayant refusé en décembre 2011 de reconduire le premier accord, ce nouveau vote favorable apparaît comme un signal de soutien adressé au gouvernement marocain et à sa politique « réformiste ».

Pour cela, le service juridique du Parlement européen évacue très vite la question des bénéfices, en considérant que le Maroc peut inclure les eaux du Sahara occidental et qu’un tel accord est légal dans la mesure où le royaume « respecte ses obligations envers le peuple du Sahara occidental ». Tant pis si les seuls parlementaires européens autorisés à se rendre dans ce territoire sont ceux du groupe d’amitié Union européenne – Maroc. Le député français Gilles Pargneaux (Parti socialiste), président de ce groupe, ne s’y trompe d’ailleurs pas : « Il était illusoire de vouloir résoudre le problème du Sahara occidental par le rejet de cet accord de pêche. Je rappelle que la proposition d’autonomie du Sahara occidental présentée par le Maroc aux Nations unies en 2007 est la seule solution possible (12). » Tant pis aussi pour l’intérêt purement économique et financier du texte : une évaluation indépendante du précédent accord de pêche avait montré un rapport coût-efficacité « très faible » et une inefficience tout à fait exceptionnelle.

Premier investisseur étranger au Maroc, la France contribue activement à ce status. En novembre dernier a eu lieu l’inauguration du nouveau port de pêche de Boujdour, impressionnant avec sa digue principale de sept cent vingt-quatre mètres et sa digue transversale de deux cent soixante mètres. Il a été réalisé avec le soutien financier de l’Agence française de développement, dont la contribution au Maroc est passée de 380 millions d’euros en 2011 à 831 millions en 2012. A Boujdour, Mme Sultana Khaya, jeune militante sahraouie des droits humains, vient de créer la Ligue pour la protection des ressources naturelles. Elle redoute une exploitation du pétrole par Total, qui menait en juillet 2013, soit douze ans après le premier contrat au Sahara occidental, une mission de prospection sismique sur une zone de plus de cent mille kilomètres carrés nommée « Anzarane offshore »[3]…