Exercice pour le travail individuel des étudiants

1. Ecrivez une séquence romanesque. Les textes qui suivent constituent un dossier documentaire concernant le journée du 14 avril 1912 à bord du paquebot Le Titanic.

Rédigez l’épisode romancé qui raconte le récit de cette journée. Vous devez respecter les contraintes suivantes : a) utilisation d’un narrateur extérieur au récit ; b) utilisation de la focalisation zéro (le narrateur est omniscient) ; c) variation des rythmes du récit (la présence d’une scènerapportant précisément les paroles, les pensées et les mouvements des personnages ; le sommaire simplifiant l’action en résumant les événements qui se sont déroulés ; l’ellipse correspondant à un saut brusque dans le temps qui passe sous silence les événements correspondant à cette période) ; d) insertion d’une description.

Document 1Le premier SOS de l’histoire est envoyé par Le Titanic qui vient de heurter un iceberg : « SOS de MGY (MGY – indicatif du Titanic) : Nous avons heurté un iceberg. Sommes fortement endommagés. Venez vite nous apporter de l’aide. Position 41.45º Nord. 50.14º Ouest... »

Document 2 Plusieurs décennies après le naufrage, un historien analyse les causes de la catastrophe.

Le problème des messages radio révèle des surprises. Tout au long de la journée du 14 avril, le Titanic a reçu cinq messages émanant de navires différents signalant la présence de glaces. Malheureusement, si les quatre premiers indiquent l’existence de glaces au nord et au sud de la route suivie par le Titanic, le drenier n’a pas, de toute évidence, été transmis à la passerelle. Ce message émanant du Mesaba, reçu à 21 h 40, était explicite : « Glaces signalées, latitude 42 degrés à 25 nord, longitude 49 à ouest. Avons vu quantité de grosses masses de pack ice (paquets de glace, signes précurseurs de la présence d’icebergs) et grand nombre de grands icebergs. Champ de glace également. Temps beau et clair ». Ces glaces se trouvent directement sur la route suivie par le Titanic et la négligeance de l’opérateur Philips constitue une des causes directes de la catastrophe.

Autre négligeance grave : une heure avant la collision, la Californian signale : « Sommes arrêtés et entourés de glace ». Un pack se trouve directement sur l’avant du Titanic. L’opérateur du Californian se fait alors vivement rebrouer par Phillips : « Taisez-vous, suis occupé. Je communique avec Cap Race ». Phillips adresse en effet une liasse de télégrammes remis par des passagers.

Philippe Masson, Le Naufrage du Titanic.

Document 3Dans la nuit du 14 au 25 avril 1912, Le Titanic, qui effectue sa première traversée de l’Atlantique, heurte un iceberg : dans les jours qui suivent, font leur Une sur le naufrage.

La catastrophe du « Titanic ». La banquise fait périr 1 465 personnes, la TSF en sauve 715.

Dans la matinée d’hier se confirmait l’effroyable nouvelle que signalaient nos dépêches de la deuxième édition : l’accident du Titanic devenait une catastrophe sans précédent. Dans le choc de l’immense paquebot avec la banquise irrésistible, environ 1 500 passagers ont trouvé la mort ; plus de 700 ont été sauvés par la TSF qui permit au navire Carpathia d’arriver sur les lieux du désastre assez à temps pour secourir ceux qu’avaient pu contenir les chaloupes. La conduite de l’opérateur sans fil à bord du Titanic, M. Phillips, a été admirable. C’est grâce à lui que la catastrophe ne fut pas absolument générale. Rien ne saurait d’ailleurs donner une idée plus émouvante de ce qu’accomplit cet homme sur le paquebot béant que cette simple dépêche de son collègue à la station Marconi du Cap Race : « Il paraissait absolument de sang-froid ; ses signaux ont constamment été très nets et il a agi au mieux. »

L’Excelsior du 17 avril 1912.

 

Hervé Bazin (1911-1996)

Hervé Bazin est né à Angers en 1911 dans une famille bourgeoise fière de ses ancêtres parmi lesquels il y avait des banquiers, des prêlats, des gens de robe, etc. Dans sa première jeunesse Bazin rompt avec sa famille et renonce à tous les privilèges de naissance et de fortune. Il suit les cours de la Sorbonne et obtient le grade de licencié en philologie. Pendant l’occupation il a participé au mouvement de la Résistance.

Ses premiers pas dans la littérature se rapportent à 1933. Il commence par la poésie et publie plusieurs recueils de vers, dont Jours (1947) qui obtient le prix Appolinaire. En 1948 paraît son premier roman Vipère au poing. Dans un style étincelant et précis il y dresse un acte d’accusation contre la famille bourgeoise, contre son système d’éducation des enfants, contre la cruauté et l’hypocrisie da sa morale. En 1949 paraît La tête contre le mur dont le héros est aussi une victime de la société bourgeoise. Lève-toi et marche (1952), un des meilleurs romans d’Hervé Bazin, est un hommage à la vie, au courage et à la ferveur. Il invite à lutter au lieu de se laisser vaincre par les circonstances les plus insupportables. En 1964 est publié un recueil de nouvelles Chapeau bas, et en 1967 Le matrimoine, un nouvel acte d’accusation contre la famille et morale bourgeoises.

En 1972, Hervé Bazin fait paraître un nouveau roman Cri de la chouette, la troisième partie de la trilogie sur la famille Rezeau portant en partie un caractère autobiographique. Dans son roman Un feu dévore un autre feu (1978) il s’agit d’un drame politique. L’action se passe dans un pays non précisé et incarne le tragique le plus réel de notre temps.

Le réalisme de Bazin lui fait peindre la vie telle qu’elle est sans l’idéaliser ni l’embellir. Son art est pourtant optimiste parce que cet écrivain ne fait pas seulement ressortir les côtés decevants et laids de la réalité, mais sait aussi exalter le bonheur que donne le travail, les vrais sentimants humains, la sincérité et l’intransigeance de la jeunesse. Il possède un étonnant pouvoir d’évocation dû à la richesse de ses moyens artistiques. La concision de la narration, l’humour et la poésie imprègnent ses descriptions et les scènes où agissent ses personnages.

 

Le mariage

Des voitures, nous en avons laissé sur les trois places de l’Hôtel-de-Ville, de la Fontaine, du Marché-au-blé qui s’enchevêtrent au coeur de Lagny. Nous sommes entrés par petits paquets dans une mairie de briques, ex-abbaye affichant les armes de la ville où figure un des clous de la Croix et cette plaque, fière d’annoncer que la Pucelle est passée là en mars 1430. Elle n’a eu qu’un tort : en repartir pour Compiègne pour se faire tirer par la huque à bas de son cheval. Deux autres pucelles, du moins reputées telles jusqu’à ce soir par un grand et un petit bouillonnements blancs, ont déjà grimpé l’escalier d’honneur à tapis rouge, en posant la main sur la pomme de cuivre, très astiquée, de la rampe qui, dans maintes mairies, a la réputation de porter chance. Un quidam, lorgnant le tableau accroché au mur de droite et où Socrate, livide, meurt parmi les larmes de la philosophie, a fait remarquer :

- Celui-là, ils pourraient tout de même l’accrocher ailleurs, côté actes de décès.

Nous, nous piétionons dans le couloir qui fit partie de l’ancien cloître. Man-

quent les mariés, manquent ma mère et Salomé, qui est allée la chercher en auto.

[...] Arrivent enfin Jeannet et Marie, en complet et en tailleur coupés dans le même lainage bleu marine, avec les mêmes chemises, cravates et pochettes bleu ciel. Ils sifflaient un demi avec leurs témoins qui suivent. Non, vraiment, Arnaud Maxon qui paraissait tout désigné et le directeur de l’enregistrement..., c’était trop voyant. Ils ont préféré une camarade de classe de Marie, manicure, et un jeune programmeur qui travaille avec Jeannet...Au fond, c’est très sympathique. Quand j’ai épousé sa mère, elle avait M. Gand, son patron, pour témoin ; et moi, ma concierge. Un appariteur passe, ramassant les retardataires :

-Les mariages, salle 17 !

Impossible d’attendre plus longtemps ma mère et Salomé : nous montons, pour déboucher dans un grand salon du plus pur style Napoléon III : tapissé de pourpre, avec fauteils assortis, plafond et glaces encadrés de pâtisserie d’or, cheminée monumentale taillée dans le noir antique. Une république de plâtre, début Troisième, avec une étoile dans les cheveux, observe d’un regard blanc les citoyens endimanchés de la Cinquième et le maire, barré de tricolore, déjà campé derrière une table de marbre vert, incrusté de griotte et de cipolin.

-Ils en avaient, du fric, sous le Second Empire ! dit Jeannet, hostile, tombé par malchance sur une des plus pompeuses salles de mariage de la grande banlieu.

Silence ! Le maire marie le premier couple qui a voulu se montrer digne des lambris et aligne six garçons en smoking, six filles gainées de satin rose.

-Rapprochement de viandes : la boucherie Lair et la charcuterie Lombard marient leurs enfants, murmure Bioni, qui connait sur le bout des doigts son fichier de cession de fonds. [...]

Je chronomètre : de la lecture du code aux signatures, laïus compris, les douze lettres de Mademoiselle mettent douze minutes à se rétrécir en Madame. Vue de dos, la mariée rassemblant ses voiles a l’air d’un ver de soie dans son cocon : sa vie, de ce souvenir, longtemps, dévidera le fil. [...]

Nous avons été conservés pour la bonne bouche. Nous restons maîtres de cent mètres carrés de parquet à chevrons et, remontant du fond de la salle, prenons place aux premiers rangs. Assis devant la table de marbre vert sur les deux cathèdres dorées que leur réserve la munificence municipale, Jeannet et Marie intimidés se tortillent, n’arrivant pas à caser leur derrière. Le maire qui était sorti un instant, rentre d’un petit pas sec. Le greffier se met à lire :

-Marie Geneviève Bioni, fille d’Ange Sébastien Léon et de Clara-Maria Paulino...

Stop. C’est le moment qu’a choisi Madame Mère pour franchir la grande porte au bras de Salomé. Pour la confusion de Jeannet, si sa soeur est en petite robe de lamé, Mme Rezeau qui à la Belle Angerie se nippe comme un souillon – s’avance en grand arroi, lente, coiffée haut, gantée long, poussant une robe de velours violet sur quoi ruisselle, sorti de même écrin que son bracelet d’or et que ses pendulantes boucles d’oreille, un collier de topazes – qui doivent être des citrines, mais qui font de l’effet.

-Je vous en prie, madame, disent les hommes du premier rang, se levant pour lui offrir leur siège. [...]

-Ça m’étonnerait, me glisse dans l’oreille la grand’mère Daroux, assise juste derrière moi, que Mme Rezeau soit satisfaite de se retrouver bientôt arrière-grand-mère.

Sûrement pas : le mariage du fils annonce déjà au père que la nature... le met à la retraite ; la naissance du fils du fils (supposons- le mâle) renvoie l’aïleule au Déluge. Du reste, bien qu’elle l’ait assuré en son temps, bon gré, mal gré, la continuité des Rezeau, Madame Mère s’en moque. Ce sentiment qui ne date pas d’hier n’a pu que s’affirmer avec l’âge. Comme pour beaucoup de vieilles dames, notre avenir n’a plus de sens depuis qu’il prime sur son passé. Sa descendance ! Le mot le dit ; elle descend. Madame Rezeau qui n’aime pas Jeannet... est là parce que nous ayant raccrochés, pour des raisons qui ne sont pas toutes claires, elle en avoue deux évidentes : celle de maintenir et celle de témoigner de ce que l’auparavant surclassait l’ensuite.

Elle en témoignera comme il convient : dans un progressif assoupissemnt qu’excusent le ronron des lectures et le véritable discours dans lequel s’est lancé le maire, ami personnel du bon serviteur d’Etat Ange Bioni... [...]

Mon métier... m’a rendu très résistant aux homélies. Mais si les Contributions indirectes... ont besoin d’un coup de coude de Clara-Maria, il en faudra deux de Salomé pour que Madame Mère se redresse au moment du oui.

Elle se ranimera dans l’ombre de Notre-Dame-des-Ardents, l’ancienne abbatiale qui fait corps avec la mairie et où nous arrivons en vrac.

Jeannot file, déjà, très à l’aise. Il n’y a pas pour lui de différence notable entre cette église gothique, le temple de Louksor, ou la Maison carrée... Il a été baptisé sur le désir de sa mère. Il me le reproche assez. Mais la liberté qui règne à la maison lui a permis de refuser la suite... Il serait incapable de nommer les saints – qui avec sa clé, qui avec son lys, qui couronne en tête, qui la tête en mains – peuplant les vitraux ou les bas-côtés, faisant leurs petites affaires parmi les cièrges, les troncs et les ex-voto. Ils n’ont jamais fait partie de son stock d’images, entièrement sécularisées. Comme Marie bute sur une marche inattendue qui fait passer la seconde partie de la nef à un autre niveau, il en profite pour souffler à Papa qui suit, flanqué de Mme Bioni :

-Hé ! Si je disais non, maintenant, au curé, je serais marié quand même.

La belle-mère roule des yeux effrayés. Mais tout se passera très bien. L’importance locale des Bioni a ramené du monde : pas assez cependant pour occuper la moitié des chaises. [...] On chuchote. Les quatre rangées de colonnes et la galerie haute, n’est-ce pas ? sont de toute beauté. Mais les vitraux sont disparates. Vous avez vu le lutrin de plexiglas, avec son micro ? L’alliance du sacré et du moderne, mon cher, je ne sais pas pourquoi, je trouve que ça fait toc. Et je ne parle pas de ces affreux rideaux qui ceinturent le choeur : dans un monument de cette qualité on ne devrait pas permettre...

-Oui, dit Jeannet, pour la seconde fois, à 11 heures 17.

D’après Hervé Bazin, « Cri de la chouette »

Notes et commentaires

Huque f – chapeau brodé d’or et d’argent ; bouillonnements blancsici : voiles des mariées ; ils sifflaient un demi – ils prenaient un demi-litre de bière ; début Troisième– sculptée au commencement de la Troisième République ; la Cinqui-èmeici : la Cinquième République ; barré de tricolore – portant en écharpe (de l’épaule à la hanche) une bande d’étoffe couleurs du drapeau national français ; cipolin– une sorte de marbre fort rare ; fric (pop.) – argent ; cessionf de fonds– transport à l’état des fonds d’un imposé ; Contributionsf pl indirectes– contributions qui se perçoivent sur les objets de consommation en vertu de tarifs, des prix. Ici l’auteur sous-entend le père de la mariée ; la Maison carrée – édifice construit à Nîmes par les Romains, aujourd’hui musée de sculpture antique ; bas-côtésm pl – nefs latérales de l’église, dont la voûte est moins élevée que la nef principale ; ex-voto – tableau, objet, plaque portant une formule de reconnaissance que l’on place dans une église, une chapelle, en accomplissement d’un voeu ou en remerciement d’une grâce ; toc (ici adj.) – sans valeur, faux ou prétentieux.

 

Questionnaire

1. Relevez l’ensemble des éléments du décor qui créent une atmosphère solennelle dans la salle de mairie évoquée par le texte. Comment la description évoque-t-elle l’univers réaliste ?

2. A quelles catégories sociales appartiennent les invités de ce mariage ? Par quels détails peut-on le repérer ?

3. A travers quels « petits détails vrais » le texte prodit-il l’impression de la réalité ?

4. Le temps des événements familiaux (tels que le mariage dans le texte) ponctue une vie. Ce sont les événements auxquelles tout lecteur peut s’identifier. Décrivez le mariage où vous avez assisté, que ce soit un mariage civil ou religieux.

5. Les descriptions de Bazin sont concises mais évocatrices en même temps. Elles sont de deux types : directes et indirectes. Prouvez-le par les exemples du texte.

6. Comment est peint le caractère du héro principal de ces scènes, le fiance Jeannet ? Quels détails nous donnent l’impression de ce personnage ?

7. Comment sont analysés par l’auteur les sentiments compliqués de Mme Rezeau pendant cet événement familial ?

8. L’humour est un des traits essentiels du style d’Hervé Bazin. Trouvez les endroits où il se révèle le plus manifestement.

9. Trouvez le lexique spécialisé donnant immédiatement une impression de la réalité (langage technique, argotique, etc.).

10. Relevez les moyens stylistiques employés par l’auteur et dites quel effet ils produisent.