Les dictionnaires francais de la langue

Les dictionnaires de langue. Les dictionnaires de langue sont destinés à donner l'explication des mots qui en composent le vocabulaire. On interprète dans ce type de dictionnaires les significations des mots ; le dictionnaire de langue donne des indications sur leurs formes et leur emploi, il comporte les principales locutions stables dans lesquelles entrent les mots en question ; le tout est confirmé par des citations tirées des auteurs. Les dictionnaires de langue prennent également à tâche de fournir au lecteur des informations phonétiques étymologiques, analogiques (indiquant les synonymes, les antonymes et les homonymes du mot interprété.

Un des principaux types de dictionnaires de langue est le dictionnaire normatif. Son but est de fixer le lexique de la langue à une époque donnée, de le représenter en tant que système accompli, de limiter l'accès des vocables obsolètes, argotiques, des ternies spéciaux d'un emploi restreint, de rejeter ce qui est inconnu à la majorité des sujets parlant la langue en question.

Un dictionnaire normatif doit se baser avant tout sur le vocabulaire de la langue parlée de l'époque ; il doit aussi inclure le lexique des œuvres littéraires. Il est évident que des vocables vieillis, des termes techniques, des dialectismes, des argotismes et des emprunts doivent toutefois figurer dans un dictionnaire normatif, quoiqu' ils se situent souvent en dehors de la norme usuelle : en les écartant du dictionnaire on risque de rendre ce dernier insuffisant pour la compréhension des ouvrages scientifiques et même du français courant. Il s'ensuit que la tâche des auteurs d'un dictionnaire normatif ne consiste pas tant à expulser du dictionnaire les mots qui se trouvent en dehors de la norme générale, qu'à en fixer soigneusement la sphère d'emploi, la valeur stylistique, et à établir un système satisfaisant de notes lexicographiques, ce qui doit aider le lecteur à se former une idée nette de l'état du vocabulaire à une époque donnée.

Le « Dictionnaire de l'Académie Française » est celui qui se rapproche le plus de l'idée du dictionnaire normatif; cependant beaucoup de mots dont se servait la plupart des Français en furent bannis, ce qui lui valut de justes reproches.

Depuis sa création en 1694, le « Dictionnaire de l'Académie » a subi huit éditions qui en ont élargi le vocabulaire. La 9e édition qui est en voie de préparation a été prévue pour le tout début du 3e millénaire (avant l'année 2001). Elle enregistrera environ 50 000 mots. Par rapporta la 8e édition elle tiendra compte des modifications orthographiques (comme, par exemple, cèleri ou céleri, événement ou évènement). Des remarques normatives y sont intégrées. Toutefois le dictionnaire continue à suivre les tendances puristes et ce n'est qu'avec beaucoup de réserve qu'il admet les innovations.

Le principe suivant selon lequel on n'enregistre pas dans un dictionnaire normatif l'argot, les mots érangers, les patois, etc., n'est pas tout à fait vain, tant qu'il s'agit d'une langue nationale, de ses normes usuelles ; pourtant, si les vocables en question se sont déjà répandus dans la langue courante et ont même pénétré dans la littérature, il est juste qu'ils soient admis dans le dictionnaire, mais accompagnés de notes indispensables

La plupart des dictionnaires de langue ne prétendent pas être des dictionnaires normatifs ; ils se distinguent par la richesse de leur vocabulaire et jouissent d'une grande popularité tant en France qu'à l'étranger.

Les principaux dictionnaires de la langue française du XIXe siècle sont le « Dictionnaire de la langue française » de M. Littré, en quatre volumes (1846-1872), et le « Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle jusqu 'à nous jours » de A. Hatzfeldt, A. Darmesteter et A. Thomas, en deux volumes, dont la première édition a paru en 1889.

Le dictionnaire Littré inclut un vocabulaire très riche. L'auteur se proposait de faire entrer dans son dictionnaire les mots qui se rencontrent aussi bien dans les œuvres littéraires que dans les ouvrages spéciaux et de fournir toutes sortes de renseignefnents à leur égard. « L'usage contemporain, - est dit dans la préface, - est le premier et principal objet d'un dictionnaire. C'est en effet pour apprendre comment aujourd'hui l'on par-le et l'on écrit qu'un dictionnaire est consulté par chacun ». En même temps l'auteur avertit qu'il ne néglige pas l'histoire de chaque vocable, son étymologie, ses diverses acceptions au cours des siècles.

Notons que le dictionnaire Littré ne satisfait plus les exigences de notre époque. La prononciation qu'il indique est souvent vieillie ; l'étymologie parfois erronée ou incomplète : la classification des valeurs sémantiques souvent arbitraire, les explications pas toujours exactes ; les références aux grands écrivains du XIXe siècle sont absentes. Si, d'une part, le Littré offre à l'usager une richesse étonnante de renseignements linguistiques sur les vocables retenus, d'autre part, il présente des lacunes regrettables, surtout en fait de néologismes, de termes de science, d'art et de métier. Ce défaut a été en partie corrigé par la publication en 1877 d'un Supplément qui était plus ouvert aux néologismes de l'époque.

En appréciant le Littré sous l'optique de l'homme de notre temps G. Matoré le qualifie de chef-d'œuvre, mais appartenant à une époque révolue, [53, p. 124].

Ajoutons que la réédition intégrale du Littré en 1958, reproduisant les mêmes erreurs, n'a obtenu qu'un accueil réservé. Il en a été de même de l'abrégé du Littré paru en 1964 malgré les additions d'exemples puisés dans les œuvres d'écrivains contemporains.

Au cours du XIXe et du XXe siècles on a créé d'autres dictionnaires de langue qui ont évité en partie les défauts du Littré.

Il faut citer en premier lieuje dictionnaire de Hatzfeldt, Darmesteter et Thomas connu sous le nom de Dictionnaire général. Ce dictionnaire est du même type que celui de Littré, mais il contient moins de mots.

En effet, étant orienté vers le vocabulaire de. la langue commune, il s'est montré réticent vis-à-vis des termes, avant tout de ceux qui sont formés d'éléments latins et grecs. Quant aux néologismes il les a admis plus librement que le Littré en témoignant toutefois une nette préférence aux mots de formation populaire. « produits naturels de la langue vivante ».

Le but principal de ce dictionnaire a été de compléter et de préciser l'étymologie des mots et d'en mieux apprécier les différentes acceptions, d'entrevoir la logique des relations sémantiques au sein du même mot. Une réédition intégrale de ce dictionnaire a été faite en 1964.

Parmi les dictionnaires de langue du XXe siècle il faut citer le « Dictionnaire Quillet de la langue française » (dictionnaire méthodique et pratique, accompli sous la direction de R. Mortier (P., 1948) en trois volumes (réédité en 1975).

Le dictionnaire est conçu comme un instrument pratique d'études scolaires, dont le but n'est pas seulement de donner et d'expliquer un certain répertoire de mots, mais aussi de fournir au lecteur divers rensei-'gnements sur la grammaire, l'orthographe ainsi que d'autres connaissances indispensables. Quant au vocabulaire, le Dictionnaire Quillet contient « tous les mots de la langue (les mots non admis par l'Académie française étant précédés d'un astérisque - [*]) y compris noms et adjectifs des habitants de villes et de pays, tenues scientifiques et technologiques couramment usités ».

Evidemment, le répertoire du Dictionnaire Quillet est beaucoup plus vaste que celui des dictionnaires précédents : il y ajoute des mots tirés des sphères nouvelles. Le dictionnaire contient en outre des tableaux de dérivations et des tableaux analogiques (c'est-à-dire, des listes de mots réunis par les affiliations des notions qu'ils expriment) pour un certain nombre de mots, tels que : administration, agriculture, animaux, armée, aviation, etc.

Il propose également une grammaire et une lexicologie placées en tête, avec des notices pratiques sur l'utilisation de divers moyens stylistiques. Le dictionnaire a un intérêt lexicographique et pratique incontestable.

Parmi les meilleurs ouvrages Icxicographiques il faut ranger celui de P. Robert en plusieurs volumes — « Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Les mots et les associations d'idées) ». appelé aussi le Grand Robert. La parution de sa lre édition s'étend sur les années 1951 -1966. C'est un dictionnaire de langue du type normatif: il est consacré uniquement au système lexical du français moderne : on n'y trouve que ce qui est propre à la langue de nos jours ; les archaïsmes, les argotismes, les emprunts ne sont admis qu'à condition d'être couramment employés dans la langue parlée ou les œuvres littéraires et ils sont munis de notes indispensables. La nomenclature du Grand Robert est de beaucoup plus copieuse que celle de la dernière édition du dictionnaire de l'Académie, sans parler des dictionnaires du XIXe siècle. Au lexique des dictionnaires du siècle précédent est ajouté un grand nombre de mots apparus dans la langue à la fin des XIXe et XXe siècles de nouveaux termes scientifiques et industriels, les symboles des éléments chimiques, de nombreux mots empruntés aux langues étrangères et à l'argot. On v trouve, en particulier, des ternies argotiques d'origine étrangère : baroud (m) (arabe du Maroc) - arg. milit. « combat », barbaque (f) (Dauzat suggère le roumain berbec, « mouton ») - pop. « viande » ; barda (m) (empr de l'arabe) - arg. milit. « équipement de soldat ». Le Robert recueille également les nouvelles dérivations dont un grand nombre du style familier : bécane (f) (d'origine incertaine ; d'abord « vieille machine ») - fam. « bicyclette » ; bagnole (f) (de banne (f) - « tombereau ») - pop. « mauvaise voiture, vieille automobile » et par extension : « toute automobile », (une belle bagnole), banaliser (de banal) — « rendre banal ». L'auteur continue l'œuvre de dépouillement commencé par Littré. en ajoutant des exemples tirés des écrivains du XIXe et du XXe siècles.

Si le Grand Robert représente en quelque sorte le type du dictionnaire normatif, il a. d'autre part, un caractère tout nouveau, étant à la fois alphabétique et analogique. Les mots d'une langue, n'étant pas isolés le,* uns des autres, forment un système. La définition du sens d'un mot n'est pas complète tant qu'on ne prend pas en considération les autres mots évoquant des idées associées, puisque ces associations existent réellement dans l'esprit de tous les individus grâce à la communauté de leur expérience historique en tant que représentants d'un seul peuple. Or. l'ordre alphabétique désunit ces groupements de mots, et partant, empêche de préciser leur signification exacte en les confrontant avec des mots exprimant des idées associées. Par exemple, on n'arrive pas à saisir, la valeur sémantique exacte du mot babil si l'on se contente de l'explication « la facilité de la parole » (Littré ou de sa « traduction » par le mot bavardage. Ce mot a quelques nuances plus fines qu'on ne découvre qu'en le faisant entrer dans une série de mots à sens voisin : d'une part sa valeur est proche de celle du mot bavardage, jaserie : mais, d'autre part, il peut indiquer une nuance favorable : un charmant babil ; un babil enfantin - dans ce cas il s'écarte sémantiquement de bavardage et jaserie Ainsi on arrive a se faire une idée plus exacte de la valeur spécifique du mot babil. L est ce que fait le dictionnaire de Robert qui. en expliquant le sens d un mot renvoie le lecteur aux mots associés. Le dictionnaire indique aussi les combinaisons usuelles des mots avec d'autres mots : s'il s'agit d un substantif, il indique les adjectifs dont il est le plus souvent accompagné, les verbes dont il est le sujet ou le complément, etc. Dans l'article colère, par exemple, non seulement on renvoie aux mots associés tels que courroux, emportement, exaspération, fureur, etc.. mais aussi à ceux qui indiquent des idées voisines, comme la propension à la colère : brutalité, bile, violence, hargne, etc. ; pour « être prompt à se mettre en colère » on nous renvoie aux adjectifs coléreux, colérique, querelleur, vif et aux expressions qui expriment la même idée : avoir la (été chaude, avoir la tête près du bonnet, etc. : pour les manifestations de la colère on a : accès, crise, mouvement, transport de colère ; bouffée, éclat, explosion de colère. Le dictionnaire offre ensuite toute une série de mots et d'expressions signifiant : « se mettre en colère ». « parler avec colère », etc.

Notons encore que les significations sont groupées en fonction des constructions syntaxiques dans lesquelles elles apparaissent.

Malgré les qualités supérieures de ce dictionnaire les critiques ne lui ont pas été épargnées. G. Matoré lui a reproché d'avoir été conçu comme « un nouveau Littré ». comme une sorte de « trésor » de la langue française, alors qu'il fallait viser un objectif plus limité et. rompant avec une tradition périmée, fournir du vocabulaire moderne et contemporain une image précise [53, p. 155].

L'abondance des citations destinées à illustrer les significations et les emplois des vocables était méritoire, mais le « dosage » des écrivains qui les avaient fournies ont soulevé des objections : « au lieu de citer, comme Littré et le Dictionnaire général, de très nombreux textes d'auteurs classiques. Robert aurait dû accorder plus d'importance aux auteurs des XIXe et XXe siècles », écrit G. Matoré |53, p. 154].

Ces quelques lacunes du Robert ont été comblées dans un Supplément paru en 1973 lors de sa réédition. La 2me édition en 9 volumes, parue en 1985, reflète les tendances nouvelles au sein du vocabulaire. Elle offre une nomenclature qui s'est sensiblement enrichie (environ 75 000 entrées) « en fonction des besoins nouveaux du public » (A. Rey). En particulier sont enregistrés des anglicismes et d'autres emprunts qui s'implantent dans la langue. La nomenclature ne se limite guère aux néologismes, y figurent aussi des mots anciens « devenus plus importants par leur diffusion, par l'intérêt du concept auquel ils renvoient, par un usage littéraire avéré ». Quant aux citations, elles sont essentiellement puisées dans les écrits du XXe siècle.

On y trouve en plus les datations des mots, celles de beaucoup de sens et de locutions. Pour la transcription de la prononciation des mots l'alphabet international est adopté.

À côté du Grand Robert il importe de signaler le Petit Robert. Sa l’édition datant de 1967 a été suivie de plusieurs autres constamment remises à point. Selon la juste appréciation d'A. Rey le Petit Robert « est moins l'abrégé d'un grand dictionnaire que le prolongement de l'œuvre d'un grand lexicographe ». Il ne perd rien des principes qui ont présidé à l'élaboration du Grand Robert. L'application de la même méthode a permis de fournir aux lecteurs « un inventaire aussi complet que possible des rapports analogiques de toute sorte ». ce qui avait déjà fait le succès de son « frère aîné ». Si les dimensions de ce nouveau dictionnaire ont contraint l'auteur à la réduction d'une partie du vocabulaire (mots nettement vulgaires, créations de fantaisie dues à une mode passagère, noms commerciaux et marques déposées), des mots nouveaux devenus courants ont, par contre, bénéfié du droit d'entrée. Il s'ensuit que le Petit Robert, qui est censé refléter l'évolution de la langue, comprend un certain nombres de mots qui ne figurent pas dans le grand.

Le Petit Robert s'adresse au grand public, mais en priorité aux maîtres et aux élèves de tous les degrés d'enseignement.

Le Petit Robert qui a connu un grand succès tant en France qu'à l'étranger a bénéficié de plusieurs rééditions dont celle de l'an 2000 clôt le XXe siècle. Les auteurs de la nouvelle variante du Petit Robert ont tenu compte des changements profonds qui se sont produits dans le français depuis les années 60 du XXe siècle. Tout en restant fidèles aux principes fondamentaux des anciennes éditions ils ont non seulement élargi la nomenclature en s'appuyant sur un corpus renouvelé de citations et d'emplois, mais se sont inspirés des tentatives réformatrices quant à l'orthographe et dirigistes quant à l'emprunt. Le recours aux techniques de l'informatique a contribué à la modernisation qui est un des atouts majeurs du dictionnaire.

Un an avant le Petit Robert, en 1966, paraît un des dictionnaires les plus originaux de ce temps plusieurs fois réédité. C'est le « Dictionnaire du français contemporain » (dont l'abréviation est DFC), fruit de la collaboration de J. Dubois, R. Lagane. G. Niobcy. D. et J. Casalis et H. Meschonnic. Rompant de façon décisive avec les traditions lexicographi-ques en partie périmées il repose sur une conception moderne de la langue qui tient compte des meilleures acquisitions de la linguistique structurale. Les intentions des auteurs étaient de créer un dictionnaire visant à présenter un état actuel du lexique usuel. « En ce sens, disent-ils, il contient tous les mots qui entrent dans l'usage écrit ou parlé du français le plus habituel » qui sont au nombre de 25 000 à 30 000. Reproduisant le vocabulaire commun du français contemporain le dictionnaire retient « les formes et les emplois récents, familiers ou populaires ». de même que les mots techniques vulgarisés, et rejette « les termes qui sont restreints a des milieux professionnels étroitement spécialisés ou qui appartiennent a une terminologie proprement scientifique ».

L'esprit novateur du dictionnaire se traduit par la présentation du matériel lexical. Les mots sont donnés dans l'ordre alphabétique, mais l'arbitraire de ce classement est corrigé par l'exploitation du principe structural qui a permis de mettre en évidence les rapports systémiques existant au sein du vocabulaire.

Les mots y sont groupés par séries dérivationnelles ou « regroupements » dégagées non pas au point de vue étymologique, mais dans une optique synchronique. Ces séries réunissent autour d'un mot de base les dérivés et les composés qui s'y rattachent par un double lien de forme et de signification.

Le classement des significations des mots est fait compte tenu des constructions syntaxiques qui les caractérisent. Ainsi pour le verbe la nature du sujet ou du complément (être animé ou inanimé, personne ou chose) est indiquée si elle détermine la distinction des significations. Pour l'adjectif c'est sa place par rapport au substantif qui est précisée à la même condition. Quant aux définitions des significations elles témoignent du souci des auteurs de les présenter « comme une traduction explicite de tous les traits sémantiques distinctifs qui définissent le mot dans une staic-ture donnée ».

Les synonymes et les antonymes (appelés « contraires »). de même que les niveaux de langue (littér., fam., pop., arg.) sont indiqués non point pour le mot en entier, mais pour ses significations et même pour ses emplois particuliers. Pour le mot coffre, par exemple, on trouvera les synonymes malle, caisse selon qu'il signifie « partie d'une carrosserie de voiture destinée au logement des bagages » ou « poitrine, poumon, voix » ; dans cette deuxième acception le mot coffre et son synonyme caisse reçoivent la marque fam. ; on lira aussi qu'une de ses acceptions coïncide exactement avec celle de coffre-fort. Le dictionnaire ne se borne pas à nommer les synonymes, mais il indique, en cas de besoin, leur degré d'intensité par les signes  et .

Donc, tout comme Paul Robert, les auteurs du « Dictionnaire du français contemporain » ont réalisé le principe analogique.

La nouveauté du dictionnaire est aussi assurée par la distinction des homonymes sémantiques qui y figurent sous forme d'articles séparés et numérotés (« dégroupements »), alors que la tradition lexicographique imposait leur inclusion dans un même article. Ainsi, pour la même forme colle on trouve quatre articles qui mettent en valeur sa dislocation sémantique (cf. au Petit Robert où colle est traité d'unité unique). Notons toutefois qu'il y a exagération dans l'application de ce principe. Des unités qui se laissent difficilement interprétées comme des homonymes sémantiques sont présentées comme tels. Par exemple, cabine figure dans quatre articles alors que l'élément sémantique commun « petit local » autorise à réunir en une seule les unités séparées.

Une autre particularité du « Dictionnaire du français contemporain » est l'illustration des acceptions et des emplois des mots par des phrases prises « sur le vif » dans la langue courante ce qui permet aux usagers de se faire une idée juste du fonctionnement usuel du français d'aujourd'hui.

Ajoutons que chaque mot reçoit les indices grammaticaux nécessaires ; la prononciation en transcription phonétique internationale est donnée pour le mot en tête d'article, quant aux mots dérivés et composés elle est indiquée lorsqu'elle s'écarte de celle du mot de base. Les locutions phraséologiques figurent généralement sous un numéro à part après les définitions des significations du mot.

Le dictionnaire est doté de nombreux tableaux de grammaire et de vocabulaire. À partir du principe d'opposition ils fournissent des renseignements utiles siir le sens et les emplois des mots. Ces sens et ces em-plois sont précisés par des séries d'exemples. En annexe de l'ouvrage est donnée la liste des principaux proverbes.

Poursuivant des buts didactiques le dictionnaire offre une série de travaux pratiques sur le sens et les emplois des mots (lre partie), sur la formation des mots et la construction des phrases (2me partie), sur l'inter-prétation des textes (3me partie).

Selon le témoignage des auteurs le « Dictionnaire du français contemporain » veut répondre aux nécessités nouvelles de l'enseignement moderne du français. Il est destiné à l'ensemble de ceux qui, ayant acquis les bases élémentaires de la langue, visent à affermir ou à perfectionner l'usage qu'ils ont du français… Aux élèves de l'enseignement secondaire et aux étudiants étrangers, pour qui cet ouvrage a été spécialement réalisé, il donnera les moyens d'exprimer la pensée d'une manière correcte et précise, au niveau de la communication où ils désirent se situer ou du style dans lequel ils veulent s'exprimer».

Les principes qui ont présidé à l'élaboration du « Dictionnaire du français contemporain » ont été appliqués sur une plus grande échelle dans le « Lexis, Dictionnaire de la langue française », réalisé en 1975 sous la direction de J. Dubois et réédité en 1989. Destiné au large public de l'enseignement, de même qu'aux techniciens, ingénieurs, scientifiques, ce dictionnaire « s'attache à décrire le lexique du français dans sa plus grande extension ». Il est. en effet, le plus complet de tous les dictionnaires de même envergure : le stock du vocabulaire recensé s'élève à plus de 70 000 mots (cf. : au dernier « Petit Robert » dont le nombre d'entrées est environ de 60 000 et au « Petit Larousse » de 1989 qui présente (83 500 articles y compris les noms propres).

En plus des mots du vocabulaire usuel retenus par le « Dictionnaire du français contemporain » y trouvent place les termes appartenant aux différents domaines techniques et scientifiques. La préférence y est toutefois donnée aux ternies techniques se rapportant à l'époque contemporaine et aux ternies scientifiques permettant de décrire le fonctionnement de la science. En marge du dictionnaire sont restés les innombrables dénominations des animaux, des plantes, des minéraux, etc. d'un emploi trop spécial. Le français marginal y est reflété par la présence de dialec-tismes qui ont cours dans certaines régions de France et de mots familiers aux francophones du Canada, de la Belgique et de la Suisse. Le « Lexis » a introduit des vocables et des emplois sortis de l'usage courant, mais que l'on peut toujours rencontrer dans des écrits littéraires, de l'époque classique à nos jours.

Si la structure des articles reproduit dans l'ensemble la formule adoptée par le « Dictionnaire dit français contemporain » l'information qu'il renferme est de beaucoup plus riche : on y trouve en supplément des renseignements sur l'histoire du mot (l'étymologie et la date de son apparition, en français), sur ses particularités orthographiques et grammaticales.

Les exemples illustrant les significations sont d'une provenance plus variée : aux phrases rédigées par les auteurs du « Dictionnaire du français contemporain » se sont ajoutées de nombreuses citations littéraires empruntées surtout aux auteurs du XXe siècle. On trouvera à la fin de l'ouvrage la liste des proverbes.

Le répertoire lexical est précédé d'un dictionnaire grammatical qui présente dans l'ordre alphabétique et à l'aide de tableaux les règles phonétiques, morphologiques et syntaxiques du français. Ce dictionnaire gram-matical est censé répondre à un double objectif « fournir une description scientifiquement fondée de la langue française et offrir un véritable instrument de travail ».

Parmi les dictionnaires de langue nommons encore le « Dictionnaire du français vivant » (le Bordas, d'après le nom de l'éditeur) réalisé par des enseignants (M. Davau. M. Cohen, M. Lallemand) et le « Logos, Grand dictionnaire de la langue française » réalisé par J. Girodet. édités, le premier en 1972 (et réédité en 1983), le second en 1976.

Le « Dictionnaire du français vivant » contient les vocables (plus de 45 000 mots et locutions) d'un usage courant parmi lesquels des mots récents d'un large emploi, tous suivis de leur transcription. Conçu à des fins principalement didactiques, grammaticales et stylistiques, il met en garde contre l'emploi de certaines tournures condamnées par les défenseurs de la pureté de la langue. Ainsi ce dictionnaire veut être normatif.

L'ouvrage se termine par un complément qui sous forme de divers articles et tableaux contient des renseignements sur les homonymes, les paronymes, les belgicismes, les canadismes, les helvétismes, la dénomination des habitants de telle ville ou tel endroit, les noms de nombres, etc.

Le Logos vise aussi des buts pratiques et, comme le dit l'auteur dans la préface, il « n'hésite pas à « prendre le lecteur par la main » pour le guider à travers les obscurités et les pièges du vocabulaire ». Les 60 000 mots répertoriés sont répartis dans trois volumes. Il contient tout le vocabulaire du français général, « depuis la langue familière ou même populaire jusqu'à la langue littéraire moderne ». Une large part est faite aux néologismes qui ont quelque chance de s'imposer.

L'ordre alphabétique dans lequel les mots se succèdent est parfois rompu par leur groupement en familles, ce qui, d'une part, nécessite des renvois assez fréquents, mais, d'autre part, donne une idée des relations dérivationnelles que les mots entretiennent entre eux.

À l'intérieur de l'article les sens sont présentés dans l'ordre chronologique, ainsi qu'ils sont apparus en français, règle qui n'est pas nécessairement suivie dans les dictionnaires de type général. Le dictionnaire fournit beaucoup d'autres détails pratiques. Il donne la prononciation en transcription internationale, signale les particularités grammaticales et orthographiques, le niveau de langue, le domaine d'emploi, etc. Les emplois sémantiques des mots sont explicités grâce à de nombreux exemples. Le mot principal qui réunit la famille dérivationnelle reçoit une notice étymologique.

En 1989 apparaît le « Trésor de la langue française » (le TLF) -dictionnaire monumental de conception nouvelle vu l'éventail des possibilités qu'il offre au lecteur. Son répertoire (71 640 vocables) englobe le vocabulaire d'une tranche temporelle qui s'étend de 1789 à 1965. Il fournit l'indication des fréquences^iour chaque mot ce qui permet d'en évaluer l'importance dans le processus de communication. Certaines conclusions sur l'utilisation des mots ont déjà été possibles. Ainsi on a pu constaté que le nombre des vocables largement utilisés est très réduit et l'apport néologique est relativement faible. Pourtant ce constat retarde sur l'évolution de la langue étant donné que l'investigation du vocabulaire s'arrête peu de temps après le milieu du XXe siècle.