Les dictionnaires analogiques et enciclopediques

Les dictionnaires analogiques (ou idéologiques). On compare souvent les dictionnaires alphabétiques à d'énormes tertres funéraires ou fosses communes où se trouvent enterrés des milliers de mots dont parfois on ne soupçonne même pas l'existence. En effet, la majorité des Français utilisent ordinairement près de 5000 mots ; les dictionnaires en contiennent de 25 000 à 70 000. Il y a beaucoup d'idées, de choses dont on ignore ordinairement les noms. Donc, il y a fort peu de chances de les trouver dans un dictionnaire alphabétique. Parfois un mot que nous sommes sûrs de connaître échappe à notre mémoire, et il n'y a pas moyen de s'en ressouvenir à l'aide d'un dictionnaire alphabétique.

« L'objet principal du nouveau dictionnaire... est de fournir, pour la première fois, un moyen commode de trouver les mots quand on a seulement l'idée des choses ».'dit P. Boissière dans la préface à son « Dictionnaire analogique de la langue française (répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots) », dont la première édition remonte à 1862.

Les idées des choses se groupent autour d'un certain nombre de mots saillants, fondamentaux, connus de chacun. En disposant les mots appartenant à un cercle déterminé d'idées sous un de ces mots-clefs, on peut faciliter la recherche d'un tenue inconnu ou oublié. Boissière cite, à titre d'exemple, le nom de l'art d'élever les abeilles et de leur faire produire le plus de miel possible : cet art doit avoir un nom que nous pouvons oublier ou ne jamais avoir connu. Comment trouver le mot ? On peut le faire à l'aide du dictionnaire analogique en cherchant dans les articles abeille ou miel, dans lesquels sont groupés tous les mots désignant les choses et les idées liées à la vie des abeilles et à la production du miel. On y trouvera assurément le mot apiculture.

Pour répondre à son but. un dictionnaire analogique doit être constamment au niveau des connaissances de l'époque. Le dictionnaire de Boissière, novateur par sa conception, est actuellement périmé quant à son corpus.

Un autre dictionnaire analogique de volume plus modeste est celui de P. Rouaix. le « Dictionnaire des idées suggérées par les mots », dont la première édition date de 1897.

En 1936 a paru un nouveau « Dictionnaire analogique de la langue française » de Ch. Maquet (plusieurs fois réédité qui est une variante abrégée et refondue du dictionnaire de Boissière. pratiquement plus commode.

À part se situe le « Dictionnaire analogique » de G. Niobey. dont la première édition paraît en 1980 (la suivante date de 1995) et qui se distingue des précédents par une présentation judicieuse. Un des grands avan-tages de ce dictionnaire est l'adjonction d'exemples visant à présenter les mots « dans un contexte linguistique » afin « d'employer le tenue propre à l'expression de la pensée ». Aux deux milliers de mots-centres figurant dans le dictionnaire de Maquet ont été ajoutés plusieurs centaines ayant spécialement trait aux sciences et aux techniques nouvelles de même qu'à certains autres aspects de la vie contemporaine ce qui en fait un ouvrage de pointe. En plus les différents niveaux de langue ont été pris en compte, fait qui reflète l'attitude plus tolérante des usagers envers les mots « para-normatifs ».

Ajoutons que l'académicien L. Stcherba. un des plus grands lexicographes russes, considérait les dictionnaires analogiques comme étant d'une grande utilité et. quelquefois, préférables aux dictionnaires bilingues. Il les comparait, en raison de leur approche onomasiologique. à La pensée et la langue de F. Brunot : on y part également des idées pour arriver à la forme, tandis que dans les dictionnaires et les grammaires ordinaires on part des formes pour arriver aux idées.

 

 

Les dictionnaires linguo-encyclopédiques. Un dictionnaire linguo-encyclopédique diffère des autres dictionnaires unilingues en ce que son objectif n'est pas purement linguistique. Outre l'explication des mots comme tels il fournit des renseignements sur des objets et phé-' nomènes différents : événements historiques, noms propres, découvertes scientifiques, sciences, arts. etc.

Le dictionnaire linguo-encyclopédique classique français est celui de Pierre Larousse - le « Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle » en 17 volumes. Il est connu dans le monde entier sous le nom de Grand Larousse.

Parmi les dictionnaires Larousse de grandes dimensions adaptés aux exigences du XXe siècle il faut nommer le « Larousse du XXe siècle » en 6 volumes, édité de 1927 à 1933 (rééd. en 1953-1955) et le « Grand Larousse encyclopédique » en 10 volumes, dont le dernier paraît en 1964. Tout comme le « Grand Larousse du XIXe siècle » ces deux vastes ouvrages représentent à la fois des dictionnaires de langue et des encyclo-pédies.

Il existe de nombreuses éditions du « Petit Larousse illustré ». qui est une miniature du « Grand Larousse ». en un volume, et qui jouit d'une renommée mondiale.

Parmi les dictionnaires Larousse une place à part revient au « Grand Larousse de la langue française » en 7 volumes (1971-1978). Cet ouvrage monumental, réalisé sous la direction de L. Guilbert. R. Lagane et G. Niobey est qualifié dans la préface d'instrument de connaissance du lexique français, dont la devise est : « Tous les aspects de la langue et rien que la langue ». La description très complète du lexique français et la richesse d'informations sur les phénomènes linguistiques en fait un véritable « dictionnaire-encyclopédie » de la langue française.

Selon le témoignage des auteurs le lexique est orienté vers le présent : comme les formes et les emplois disparus de l'usage courant ne sont toutefois pas négligés, leur place dans le vocabulaire est chaque fois précisée par les signes vx. (vieux), class. (classique). littér. (littéraire) .

Les articles offrent une description détaillée des aspects différents des mots-entrées : prononciation, catégorie grammaticale, étymologie, datations qui s'étendent, si possible, sur les significations, définition accompagnée de citations d'auteurs classiques et contemporains, condition d'emploi. En fin d'article sont indiquées les séries de synonymes et d'antonymes numérotées conformément à la présentation des significations : on y trouve aussi des remarques grammaticales, orthographiques et autres. Tous ces renseignements sont fondés sur l'acquis le plus récent des recherches linguistiques. Ceci est particulièrement manifeste dans l'analyse du contenu sémantique qui tient compte de la distribution du mot dans la phrase. Ainsi la distinction des significations de convenir (v tr ind ) est fonction des constructions syntaxiques qui le caractérisent : ses significations sont réparties compte tenu du régime du verbe (convenir à convenir de, que), du sens catégoriel du sujet (sujet désignant une chose, un être animé, une ou des personnes), etc

L'approche synchronique détermine l'admission des homonymes sémantiques (par. ex.: air = fluide, air = manière d'être, air = mélodie) qui constituent des articles séparés. Quand la différenciation lexico-sémanti-que d'une forme lexicale est incomplète, elle est marquée par des chiffres romains à l'intérieur d'un seul article : par ex. : ceinture 1. «bande qui sert à tenir un vêtement » et II. « ce qui forme une enceinte », chacun des deux centres sémantiques groupant plusieurs significations.

La partie encyclopédique, rédigée par H. Bonnard présente, classées à leur ordre alphabétique, les notions fondamentales de grammaire et de lexicologie, telles que : accent, adjectif, adverbe, argot, article, aspect, champ sémantique, connotation, discours, etc.

Au début de l'ouvrage sont décrits « les fondements lexicologiques du dictionnaire ». élaborés par L. Guilbert. Cette description porte sur la formation des unités lexicales dans la double perspective diachronique et synchronique et repose sur les principes de la grammaire générative. Conformément à ces principes « La formation des unités lexicales construites est en relation étroite avec la grammaire, la syntaxe de la phrase, en raison de la syntaxe interne inhérente à ces unités aussi bien que par leur syntaxe externe ».

Le « Grand Larousse de la langue française » s'adresse a un public cultivé, également aux francophones curieux de mieux connaître la langue qu'ils parlent et aux étrangers désireux de trouver une information circonstanciée sur la langue qu'ils apprennent à parler.