Les dictionnaires historiques et etimologiques

Les dictionnaires historiques. Tous les dictionnaires passés en revue ci-dessus sont essentiellement des dictionnaires de la langue contemporaine. Si on y fait entrer des données historiques c'est plutôt pour rendre plus clair le sens actuel du mot que pour en apprendre l'histoire. Aussi l'historique des vocables dans ces dictionnaires n'est-il point complet.

Les dictionnaires historiques, au contraire, visent avant tout à nous renseigner sur l'histoire des mots. Ils peuvent être de types différents.

D'une part, parmi les dictionnaires historiques se laissent classer ceux qui ne contiennent que le lexique du français d'une époque révolue : on peut citer àtitre d'exemple le dictionnaire historique de Godefroy et celui de Muguet. Le dictionnaire de Godefroy est un dictionnaire de l'ancienne langue française. Il est basé sur l'étude des textes anciens et embrasse la période comprise entre le IXe et le XVe siècles. Le premier tome a paru en 1880. le dernier (le dixième), en 1902. On en a fait récemment un nouveau tirage. Ce dictionnaire contient les mots de l'ancien français que la langue moderne n'a pas retenus ou qui s'employaient jadis dans des acceptions aujourd'hui disparues. Le dictionnaire offre de nombreuses illustrations tirées des œuvres littéraires et d'autres documents écrits de l'époque.

Le dictionnaire de Huguet est consacré à la langue française du XVIe siècle, il est également le fruit d'un immense labeur de dépouillement.

Énumérons les dictionnaires historiques parus plus récemment : le dictionnaire de l'ancien français de A. J. Greimas, le dictionnaire du moyen français de A. J. Greimas et T.N. Keane et celui du français classique de J. Dubois, R. Lagane, A. Lerond. Une place à part doit être réservée au « Dictionnaire historique de la langue française » en 2 volumes réalisé sous la direction de A. Rey en 1992.

Un autre type de dictionnaires historiques est représenté par les dic-tonnaires étymologiques. Parmi les principaux dictionnaires étymologiques parus au XXe on doit citer en premier lieu celui de O. Bloch et W. von Wartburg ainsi que celui de A. Dauzat.

Le « Dictionnaire étymologique de la langue française » rédigé par 0. Bloch avec la collaboration de W. von Wartburg. en deux tomes, fut publié en 1932 (7e éd. en 1986). A. Meillet qui l'a préfacé remarque qu'un étimologiste « s'efforce de suivre l'enchaînement des faits de,diverses sortes par lesquels le mot a pris sa forme et sa valeur. En pareille matière, le linguiste est historien et n'est qu'historien ». Le dictionnaire de Bloch et Wartburg indique la date de la première apparition des mots dans les textes étudiés et signale leur origine. Les mots hérités du latin par une tradition ininterrompue ne portent naturellement pas la date initiale,par contre on indique l'évolution de leur forme et de leur valeur de même que les rapports entre ces mots et leurs « parents » dans les autres langues romanes. Le dictionnaire accueille les mots populaires mais laisse de côté l'argot proprement dit et les termes techniques inconnus hors d'un milieu restreint.

Le « Dictionnaire étymologique de la langue française » de A. Dauzat a été publié en 1938. L'auteur nous fait savoir dans l'introduction que son dictionnaire se distingue des précédents par « une plus grande richesse du vocabulaire enregistré, au point de vue des mots techniques, régionaux, populaires ». (Remarquons toutefois que le dictionnaire de Bloch et Wartburg. plus restreint quant à son vocabulaire, donne parfois des renseignements plus détaillés que celui de Dauzat.) Dans l'introduction l'auteur présente un bref exposé de l'histoire de la langue française : un chapitre est consacré à la formation du lexique du français (compte tenu de son fonds primitif, des emprunts, des procédés de composition et de dérivation) et à sa phonétique historique.

Le « Dictionnaire étymologique et historique » de J. Dubois, A. Dauzat, et H. Mitterand paru en 1964 (et réédité en 1993) se fait remarquer par son ampleur : déjà la première édition englobait « la totalité du vocabulaire général employé de nos jours aux divers niveaux de l'idiome : du français académique au français populaire, ainsi que l'essentiel des lexiques techniques et scientifiques contemporains ». Une discrimination était faite toutefois à l'égard des régionalismes qui n'y occupent qu'une place réduite. En comparaison des autres dictionnaires étymologiques ce dernier s'est enrichi de plusieurs milliers de datations nouvelles concernant aussi bien la première apparition du mot que celle de ses dérivés et composés.

L'introduction à la première édition comprenait des éléments de lexicologie, de phonétique et de méthode étymologique qui sont absents de la dernière ce qui est regrettable.

J. Picoche. auteur du « Dictionnaire étymologique du français » (P., 1987) a pris pour tâche de « présenter systématiquement des familles historiques complètes au niveau du français moderne ». Lorsque cela paraissait utile pour la compréhension des phénomènes propres au vocabulaire français l'auteur est remonté aussi loin que possible dans la préhistoire du mot. C'est pourquoi dans l'entête de l'article on peut trouver l'histoire sémantique et la famille de l'étymon grec ou latin qui est à la base du mot français.

Les dictionnaires historiques sont d'une grande utilité non seulement pour ceux qui s'intéressent au passé d'un vocable, ils aident souvent à préciser son emploi présent.

 

Les dictionnaires phraséologiques. Les locutions phra-séologiques sont enregistrées dans une mesure plus ou moins large dans les dictionnaires de langue de type général. Elles peuvent être aussi l’unique objet d'études lexicographiques.

Des écrits de ce genre apparaissent déjà au XVIIe siècle. Signalons celui de A Oudin « Curiosités françaises, pour supplément aux dictionnaires. Recueil de plusieurs belles propriétés avec une infinité de proverbes et de quolibets dont la première édition date de 1640.

Au début du XXe siècle paraît le « Dictionnaire des gallicismes les plus usités » par E. Pradez.

D'une plus large envergure, le « Dictionnaire des locutions françaises » de M. Rat. publié en 1957 (la réédition augmentée d'un supplément date de 1982). réunit les unités phraséologiques d'un usage courant « dont il sied de préciser le sens, d'indiquer l'origine quand elle peut être indiquée » Lorsque la locution se comprend aisément l'auteur se borne à en donner une définition. Si, au contraire, elle peut causer des difficultés elle reçoit une précision supplémentaire par un ou plusieurs exemples empruntés généralement à des auteurs. Les locutions sont présentées dans l'ordre alphabétique à partir d'un des ternies principaux qui les composent. Ainsi, par exemple, les locutions ours mal léché et secouer les puces à qn sont introduites par les mots-vedettes lécher - la première et puce - la seconde. Comme le choix du terme principal des locutions ne répond pas aune exigence objective l'auteur a complété son dictionnaire par l'index des mots qui les cons-tituent, ce qui permet de trouver facilement la locution voulue Par exemple, afin de trouver la locution entrer dans la peau de son personnage il suffira de consulter l'index à entrer, peau ou personnage. Le dictionnaire de M. Rat est loin de donner un tableau complet de la phraséologie française. L'interprétation des locutions concerne essentiellement l'origine qui. d'ailleurs, n'est pas toujours correctement expliquée.

En 1979 paraît le « Dictionnaire des expressions et des locutions figurées » rédigé par A Rey et S. Chantreau (rééd. en 1984). Cet ouvrage surpasse sensiblement ses prédécesseurs par sa nomenclature et l'in-formation qu'il fournit pour chaque locution. On peut s'en rendre compte en comparant le nombre d'expressions commentées sous la même entrée dans ce dernier dictionnaire et celui de M. Rat. Avec le mot compte, par exemple, on y trouvera plus de 40 expressions, alors qu'elles sont au nombre de 5 dans l'ouvrage de M Rat.

Il y a lieu de signaler que. malgré son titre restrictif, l'ouvrage offre une nomenclature qui déborde le stock des expressions figurées À ces dernières se joignent des expressions représentant des combinaisons stéréotypées qui n'évoquent aucune image. Telles sont : circonstances atténuantes, de circonstance, en connaissance de cause, faire connaissance (avec) et beaucoup d'autres.

Les locutions sont non seulement définies, mais elles reçoivent les marques nécessaires (littér., poét., fam., vulg., etc.) précisant leur appartenance aux différents niveaux de langue. Celles qui sont tombées en désuétude sont suivies du signe vx. (vieux) ou vi (vieilli) (ce dernier suppose « un reste d'usage, au moins passif»). L'absence de toute marque signale que la locution est « moderne et usuelle, utilisable tant dans la langue écrite qu'oralement ». D'autres renseignements sont donnés lorsqu'ils présentent un intérêt particulier : la date, approximative ou précise. du premier emploi connu, l'origine, le sens du mot-vedette en cas de poly-sémie, l'évolution sémantique.

Les auteurs ont largement profité des résultats des recherches systématiques sur l'histoire de la langue française afin de rectifier les étymolo-gies douteuses ou aberrantes proposées dans les ouvrages lexicographiques antérieurs. La présentation qui repose sur des principes formels (fonction syntaxique, ordre alphabétique) permet à 1 ' usager du dictionnaire de s'orienter sans entrave dans les articles complexes.

De nombreuses citations tirées d'œuvres littéraires précisent l'emploi des expressions. Parmi les ouvrages lexicographiques français traitant de la langue française le dictionnaire de A. Rey et de S. Chantreau est, sans conteste, le plus réussi