La dérivation inpropre

La dérivation impropre. Kr. Nyrop définit la dérivation impropre comme le procédé par lequel on tire d'un mot existant un autre mot en lui attribuant simplement une fonction nouvelle » [28, p. 330J. En effet, par ce procédé on crée un nouveau mot à partir d'une des formes d'un mot ancien en la faisant passer dans une autre catégorie grammaticale ou lexico-grammaticale. Tels sont le bien, le souper, un radio, tirés de bien, souper, radio. Ces mots nouvellement créés qui se rangent généralement dans une autre partie du discours représentent des homonymes1 par rapport aux mots générateurs.

La dérivation impropre est fort productive en français moderne. Certains linguistes, dont Ch. Bally, considèrent ce procédé de formation comme un des plus féconds. On forme facilement des mots nouveaux qui reçoivent les caractéristiques d'une autre partie du discours.

Les substantifs peuvent être obtenus de diverses parties du discours : d'adjectifs (qualificatifs) : le calme, le beau, le rouge à lèvres (« se mettre du rouge ») ; le blanc des yeux, un jaune d'œuf. un collectif, un marginal, une hivernale - « course en hiver en haute montagne ». un inconditionnel - « qui est un partisan sans réserve de... », l'hexagonal - «le français »; de verbes '.le coucher du soleil, le souper, le devoir, l'être, la déprime < déprimer, la bouffe (fam.) < bouffer, un transplant - « organe destiné à être transplanté » < trans-planter ; de participes présents : un participant, un manifestant, un représentant, un sympathisant, un collant, un déodorant, un enseignant, un tranquillisant ; de participes passés : le passé, un détenu, un blindé, un fait, un vaincu, un blessé un mobilisé, une étendue, une mariée, une fiancée : d'adverbes : le bien, le mal, le peu ; de mots non-autonomes : les pour et les contre, prendre le dessus, je ne veux pas de vos mais, « avec un si. on mettrait Pans dans une bouteille » (proverbe).

Les adjectifs peuvent aussi provenir d'autres parties du discours : de s u b s t a n t i f s : un costume perle, un ruban rosé, un chapeau paille, la couleur saumon, une robe lilas, un ruban jonquille (d'un jaune pâle). des souliers sport, des bas nylon, une littérature adulte, un skieur amont (aval), des sujets bateaux ; de participes présents : une personne charmante, des enfants obéissants, une femme suppliante, des gens ex-travagants de extravaguer - «бредить, говорить вздор». un succès gratifiant, une scène traumatisante ; de participes passés :un soldat blessé, des doigts effilés (effiler «вытягивать»). une ville atomisée. . (soumise à des radiations atomiques), des vols habités.

Les adverbes peuvent être tirés d'adjectifs : il a fort bien travaillé : de prépositions : n'avoir rien contre ; courir après ; travailler avec.

Les interjections peuvent être obtenues de substantifs-dame !, peste !, diable ! ; de verbes à l'impératif et au subjonctif : tiens !, va !, allons !, soit !

Signalons à part la création des verbes tels que patronner, luncher. parrainer de même que blanchir tirés de nominaux patron. Lunch (loi de), parrain, blanche (blanc). Les linguistes français rangent d'ordinaire ce moyen de formation parmi la suffixation. Cependant les finales

-er et -ir ne sont pas des suffixes au même titre que ceux qui ont été examinés précédemment ; elles n'entrent pas dans la partie lexicale des verbes, elles disparaissent dans la conjugaison et. par conséquent ne sont rien autre que des désinences verbales, marques de l'infinitif [29]. La formation du type patron > patronn-er, blanche > blanch-ir offre un cas particulier de dérivation impropre où à partir d'un nom (substantif ou adjectif) on forme une base verbale. Ce type de formation est parmi les plus pro-. ductifs dans le français d'aujourd'hui, (cf. : bachoter, court-circuiter. paniquer, tester, tangenter - « longer, côtoyer ». surfer, vamper).

À côté du type de formation patron > patronner il faudra classer dans la dérivation impropre le moyen opposé qui consiste à former des substantifs à partir de bases verbales : crier > cri, voler > vol, plier > pli. nager > nage, visiter > visite, grogner > grogne, snober > snob.

Les mots apparus à la suite de la dérivation impropre peuvent être interprétés comme étant formés avec un suffixe zéro. L'affixe zéro apparaît dans les cas où son absence est significative ; il est alors com-mutable avec les formants (dans notre cas les suffixes) explicites (cf.. calme - le calme et tendre - tendresse, modeste - modestie, etc.). En effet, le calme ou le beau est le fait d'être calme ou beau. Donc, la structure de la signification du dérivé est plus complexe que celle du mot générateur ce qui en principe est la condition minimale nécessaire qui signale la présence d'une formation dérivée. (Généralement la forme dérivée est plus complexe non seulement quant au sens mais aussi quant à la forme).

Notons que ce procédé de formation qui consiste à faire passer la forme d'un mot d'une catégorie dans une autre a déjà existé à l'époque reculée de la formation du français sur la base du latin populaire.

Souvent les mots passaient d'une catégorie dans une autre à la suite d'une ellipse : un groupe de mots se réduisait à la suite de l'omission d'un des mots formant ce groupe : le mot qui survivait absorbait le sens du mot disparu : fontana (adj.) aqua - « eau de source » > fontana > fontaine ; exclusa (adj.) aqua - « eau d'écluse » > exclusa > écluse : forestis (adj.) sylva - « forêt non entourée de murs » > forestis > forêt : tempus hibemum (adj.) - « période tempétueuse de l'hiver » > hibemum > hiver.

Il y a eu des participes passés qui ont fourni des substantifs, comme par exemple, débitant (de debere - « devoir ») > dette ; tortum (de torqueré - « tordre » > tort ; fonditam (de fundere - « noyer, fondre ») > fonte : defensam (de defendere - « parer ») > défense.

Certains adverbes du latin classique deviennent des prépositions déjà dans le latin populaire, par exemple : sub - « dessous » > sous, foris -« dehors » > hors.

Le passage d'un mot d'une partie du discours dans une autre à la suite d'une ellipse est aussi bien fréquent de nos jours une [ville] capitale, une [voiture] automobile, un [avion] supersonique.

La composition

La composition. Ce procédé de formation, quoique moins productif que la dérivation affixale. occupe une place importante dans le système formatif du français d'aujourd'hui.

La composition est interprétée de façon différente en linguistique.

Selon une conception très répandue un mot composé en français n "est pas seulement celui qui est formé par l'adjonction de bases différentes comme, par exemple, en russe «пароход, самолет». mais n'importe quelle expression qui présente un groupement constant et usuel exprimant une notion, un seul concept. C'est pourquoi les locutions telles que chemin de fer, boîte aux lettres, pomme de terre, etc.. sont traitées comme de mots composés.

Dans la linguistique russe cette opinion simpliste sur le mot a été contestée : si chaque mot exprime effectivement une notion, un concept, il serait abusif d'affirmer que n'importe quelle expression ou locution exprimant une notion serait un mot. Selon l'académicien V. V. Vinogra-dov les groupes tels que chemin de fer, salle à manger, avoir envie (hâte, horreur, peur, pitié, etc.), chercher querelle, donner congé ne sont guère des mots composés, mais tantôt des unités phraséologiques, qui par leurs fonctions sont souvent des équivalents de mots, tantôt des groupes de mots libres [30, c. 210].

Il a été signalé précédemment1 que le professeur A.I. Smirnitsky avançait le critère de l'intégrité formelle permettant de distinguer les mots composés des groupes de mots. Dans chaque langue l'intégrité formelle revêt un caractère particulier. A.I. Smirnitsky a mis l'accent sur l'intégrité morphologique des mots.

Pour le français l'intégrité formelle doit être comprise avant tout comme l'absence de rapports syntaxiques entre les composants d'un vocable qui grammaticalement et phonétiquement fonctionne comme un tout indivisible. Tant qu'il existe un rapport syntaxique vivant entre les éléments d'une formation on ne peut parler de mot. Quant à l'écriture liée des mots (la présence d'un trait d'union), elle n'est qu'un indice accessoire, l'orthographe française étant conventionnelle.

Il en est ainsi pour les formations du type timbre-poste qui sont qua-lifiées de mots composés par les linguistes français. Ici, les rapports syn-taxiques sont les mêmes que dans les groupes de mots libres qui surgissent en abondance dans la parole, tels valise avion, climat festival, début janvier,fm décembre, etc. En conséquence, timbre-poste ne saurait être considéré avec raison comme un mot composé, il devrait être traité de groupe de mots usuel. Il en va de même pour les néologismes tels que allocation-logement, crayon-feutre, assurance-maladie ou ville-dortoir, café-bar, école-pilote, homme-grenouille, mot-valise.

Par contre, il arrive que les éléments d'un vocable semblent présenter un rapport syntaxique vivant et toutefois ce vocable doit être qualifié de mot composé. Qu'est-ce qui nous y autorise ? C'est parfois la non-conformité de sa structure morphologique à celle du groupe de mots correspondant. Dans gendarme on rétablit aisément gens d'arme(s). Cependant gens d'arme(s) est le pluriel de homme d'arme, alors qu'on dira tout aussi bien un gendarme que des gendarmes.

Même là où autrefois on avait un groupe de mots on peut se trouver aujourd'hui en présence d'un mot composé dont les éléments n'offrent plus de rapport syntaxique. Tel est le cas de rouge-gorge. Les rapports syntaxiques qui existaient dans l'ancien français entre les éléments de cette formation ne correspondent plus à ceux du français moderne ; cela signifie qu'il n'y a plus aujourd'hui de rapport syntaxique à l'intérieur de ce vocable qui est devenu à la suite de son développement historique un mot composé. Le s que l'élément rouge prend au pluriel (rouges-gorges) n'est point la marque d'un rapport syntaxique actuel, mais rien autre qu'un vestige de l'ancien rapport syntaxique conservé par l'orthographe traditionnelle et retardataire. Les vocables du type de rouge-gorge, rond-point, grand-rue doivent être traités de nos jours de mots composés formés par l'adjonction pure et simple de bases normatives différentes.

Parfois c'est la non-conformité du fonctionnement syntaxique du mot composé à celui des éléments du groupe de mots correspondant. Un qu 'en dira-t-on, un sans- le-sou, le trop-plein (de l'âme), un prêt-à-porter fonctionnent comme des substantifs quoique souvent il n'y ait même pas un seul substantif parmi leurs composants.

C'est aussi la non-conformité de la prononciation des éléments d'un mot composé à celle du groupe de mots correspondant. Tels sont les cas de vinaigre, béjaune (cf. à la prononciation de vin aigre, bec jaune).

La disparition d'un rapport syntaxique ancien à l'intérieur d'un vocable a souvent pour conséquence que ce dernier constitue un modèle de formation pour la création d'autres mots composés.

La composition est surtout caractéristique des noms.

Passons en revue les types essentiels de mots composés dans le français moderne.

Les mots composés qui ont été originairement formés à l'aide de plusieurs bases formatives : microscope, galvanomètre, bibliophile, gyrophare, téléscaphe : les bases formatives de certains de ces composés sont reliées par les voyelles-copules -o- et -i-. hydroplane, phonographe, magnétophone, fî/moscope, technocrate, tyrannicide ; franco-russe, russophile, politico-économique, vermivore, fébrifuge, horticulture.

La plupart de ces composés sont des formations savantes créées et employées dans l'une ou l'autre terminologie spéciale. Pourtant il ne faut pas en conclure que les créations de ce genre restent àjamais confi-nées dans la terminologie. Avec la vulgarisation des réalisations techniques et scientifiques, tout comme les autres mots savants, elles pénètrent dans la langue commune. Même des créations récentes telles que cosmo-naute, cosmodrome, gazoduc, discophile sont devenues d'un usage courant.

La présence dans ces composés d'éléments latins et grecs leur confère souvent une portée internationale.

Par contre les autres types de mots composés sont des créations populaires d'un large emploi.

Tels les substantifs composés dont le premier élément est étymologi-quement un verbe transitif (à l'impératif, conçu plus tard comme la 3' personne du singulier du présent), le second - un substantif, exprimant le régime de l'action : hochequeue, presse-purée, presse-papier, monte-charge, porte-clefs, tire-bouchon, porte-plume, garde-robe, passe-thé, gagne-pain, hochequeue, perce-neige, brise-glace, couvre-chef, passe-temps, couvre-lit, coupe-ongles, passe-montagne, vide-ordures, épluche-légumes, pèse-personne, porte-savon, sèche-cheveux.

L'absence de l'article devant le substantif nous autorise à qualifier ces formations de mots composés (cf. : aux groupes de mots libres correspondants : il tire le bouchon, il passe le temps, etc.).

Ce procédé de formation est particulièrement fécond en français contemporain. Parmi les formations récentes nommons : lave-linge, lave-glace, lave-vaisselle, porte-bébé, porte-aéronefs, remue-méninges.

Il est à signaler que dans l'ancien français certaines formations de ce genre étaient créées à l'aide d'un verbe accompagné non seulement d'un complément direct, mais aussi d'un complément indirect ou circonstanciel Le français moderne a conservé des traces de cet ancien procédé de formation dans les verbes composés tels que colporter - « porter sur le cou », saupoudrer- « poudrer avec du sel “,fervêtir- «обть железом». « vêtir de fer ». maintenir- « tenir en main ». etc. Aujourd'hui ce modèle de formation a perdu sa vitalité.

Les autres types de composés sont moins productifs. Ce peuvent être des composés représentant des substantifs formés à l'origine d'un substantif et d'un adjectif dont l'ordre réciproque est archaïque : rouge-gorge, rouge-queue «горихвостка». blanc-bec, blanc-manger, rouge-barbet -«султанка (рыба) »

Un groupe semblable de composés comprend des adjectifs formés historiquement d'un participe précédé d'un adverbe : bienveillant, bienséant, maldisant, malfamé.

Un autre type de composés correspond à un substantif précédé d'une préposition ou d'un adverbe : avant-scène, après-dîner, contrepoison, presqu'île, etc. L'absence de l'article devant le substantif est l'indice de l'appartenance de ces formations aux mots composés (cf aux groupes de mots libres correspondants : avant la scène, après le dîner, etc.).

Tels sont les principaux modèles des mots composés. La plupart d'entre eux remontent historiquement à une construction syntaxique. Pourtant à l'époque actuelle rien ne révèle plus cette construction syntaxique devenue un archaïsme. Il est notoire qu'un grand nombre de ces formations n'ont jamais été conçues comme étant des constructions syntaxiques, étant créées spontanément sur les modèles existants : brise-glace, gratte-ciel, chasse-neige. Dans le français moderne tous ces types de composés peuvent être considérés comme étant directement formés par la simple adjonction de bases formatives différentes.

 

20. Le telescopage, l'homonatopé

Le télescopage. Par ce procédé on forme des mots issus de la fusion de deux mots exprimant des notions contiguës [23, p. 245-248J. Ainsi, sur le modèle de motel > mo[tor (car)] + [hô]tel - formation anglo-américaine - on a créé en français aquatel- « hôtel flottant qui se déplace sur l'eau » de aqua[tique] et [hô]tel. Ces formations sont très en vogue à l'heure actuelle. Citons, entre autres, cybernation de cybern[étique] et [autom]ation, télésiège de télé[férique] et siège, altiport - « petit aérodrome qui dessert une station de montagne » de alti[tude] et port, diathèque de dia[positive] et -thèque. eurovision de euro[péen] et [télé]vision, franglais de fran[çais] et [an]glais, panlacourt de panta[lon] et court, restaurante de restau[rant] et route, universiade - « compétition sportive internationale entre équipes universitaires » de univers[ité] et [olymp]iade, vertiport de verti[cal] et [air-]port - « terrain destiné à l'atterrissage et au décollage des hélicoptères et des avions à décollage court »,futurible de futur et [poss]ible, synonyme de futurologue.

Ce procédé économique et baroque à la fois est utilisé, d'une part, dans la publicité et dans certaines terminologies, et de l'autre, dans le langage parlé familier où il sert à fabriquer des mots plaisants comme applaudimètre de applaudi[ssements] et mètre, copocléphile de co[lleclionneur], de po[rte]-clé et phile, gastronomade de gastro[nome] et nomade.

 

 

L'onomatopée. Par l'onomatopée, signifiant proprement « formation de mots », on appelle à présent la création de mots qui par leur aspect phonique sont des imitations plus ou moins proches, toujours conventionnelles, des cris d'animaux ou des bruits différents, par exemple : cricri, crincrin, coucou, miaou, coquerico, ronron, glouglou, froufrou.

Ce procédé de formation offre une particularité par le fait qu'il s'appuie sur une motivation naturelle ou phonique qui s'oppose à la motivation intralinguistique caractéristique de tous les autres procédés de forma-tion.

L'onomatopée est d'une productivité restreinte, ce qui s'explique en particulier par le caractère relativement réduit des sons perceptibles par l'oreille humaine. Signalons pourtant les créations récentes : bang [bâg] -« bruit produit par un avion supersonique », glop - « bruit ressemblant à un cœur qui bat », yé-yé - formé par imitation du refrain d'une chanson américaine (de « yeah . . . yeah », altération de « yes »), blabla-(bla) employé familièrement pour « bavardage, verbiage sans intérêt ». boum - « bruit sonore de ce qui tombe ou explose, baraboum ! imitant un bruit de chute, bim ! et bing ! qui évoquent un coup.

 

L'abbreviation

L'abréviation. Le français parlé qui de tout temps a répugné aux mots trop longs continue à les abréger, surtout lorsque l'aspect en révèle l'origine savante. Cette tendance à l'abréviation s'est considérablement accrue depuis la fin du XIXe siècle.

On distingue différents types d'abréviations. Parmi les plus fréquentes sont les troncatures telles que amphi[théâtre] - « salle de cours ». auto[mobile], cyclo [moteur], baro[mètre], dactylo [graphe], kilogram-me], loco [motive], métropolitain], micro[pnone], phono[graphe], photo [graphe], polio [myélite], stéréo [phonique], télévision] (f), télé-[viseur] (m), taxi[mètre], vidéo[phonie] qu'on forme en laissant tomber le deuxième élément d'un mot composé. Ces formations apparues dans le parler du peuple de Paris pénètrent de plus en plus dans la langue littéraire.

Ce mouvement est allé encore plus loin : on rejette une ou plusieurs dernières syllabes sans se soucier de ce que ces syllabes représentent ou non un morphème. L'abréviation s'effectue même lorsque les syllabes retranchées paraissent être indissolublement liées au corps même du mot af[faire], anar[ chiste], accu[mulateur], bac[calauréat], collabo[rationniste], aéb[utante]- « jeune fille qui débute dans la vie mondaine ». puis « très jeune fille ». édito[rial], écolo[giste], fac[ulté], fortif[ication], imper[méable], labo[ratoire], lino[léum], manif[estation], para[chutiste], philo[sophie], réac[tionnaire], sana[torium], frigo[rifique], hebdo[madaire], provo[cateur,-cation], pub[licite], rétro[grade], réac[tionnaire], l'Huma[nité] et même Saint-Êx (Saint-Exupéry).

Parfois on remplace ces syllabes retranchées par un -o final qui représente un pseudo-suffixe populaire : anarcho < anarchiste, apéro < apéritif, camaro < camarade, convalo < convalescent, mécano < mécanicien, métallo < métallurgiste, Montparno < Montparnasse, pharmaco < pharmacien, populo < populaire, prolo < prolétaire, proprio < propriétaire.

Généralement on réduit le mot par l'ablation des syllabes finales (ap o -cope), toutefois l'ablation des syllabes initiales (aphérè se) est possible : pitaine < capitaine, cipal < (garde) municipal, Ricain < Américain : signalons aussi chandail formé de marchand d'ail.

Un tout autre type d'abréviations est représenté par les sigles, c'est-à-dire des mots formés par la prononciation des lettres ou des syllabes initiales des composants de quelque locution, par exemple : C.G.T. -« Confédération générale du travail », P.C.F. - « Parti communiste français ». O.N.U. - « Organisation des nations unies ». P.N.B. - « Produit national brut », R.E.R. - « Réseau Express Régional ». R. T.F. - « Radio-diffusion -télévision française ». S.N.C.F. - « Société nationale des chemins de fer français », I. G.A.M ou igame - « Inspecteur général en mission extraordinaire », Z.U.P. - « Zone à urbaniser en priorité ». D.C.A. -« Défense contre avions ». T.G. V. - «Train à grande vitesse ». E.N.A. -« École nationale d'administration », C.A.P.E.S. - « Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire. D.E. U.G. - «Diplôme d'étu-des universitaires générales » qui sanctionne le premier cycle de l'enseignement supérieur en France : BD - « Bande dessinée ». GR - « (sentier de) Grande randonnée », OVNI - « Objet volant non identifié », HLM-« Habitation à loyer modéré ». PDG - « Président - directeur général ». S.F. - « Science-fiction ». ORL - « Oto-rhino-laryngologue ». Bénélux -Belgique. Néerlande (Pays-Bas). Luxembourg. TOM - « Territoires d'Outre-Mer ».

Les abréviations de ce genre sont généralement des tenues différents. La vitalité de certaines de ces formations se manifeste par le fait qu'elles servent de base à de nouvelles créations, par exemple : cégétiste - « membre de la C.G.T. », igamie - « circonscription comprenant plusieurs départements et administrée par un igame », onusien - « membre de l'O.N.U. », zupéen, -ne - « habitant d'une Zup », énarque - « ancien élève de l'E.N.A », capésien - « étudiant, professeur titulaire du C.A.P.E.S. ».

La création de sigles est une des tendances les plus accusées du français actuel qui s'est surtout manifestée à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Il arrive que les sigles deviennent un handicap au cas où l'on doit les décoder. Nous citerons à l'appui les paroles de G. Molinié : « Une institution à siglaison étrangère comme l'UNESCO verra peu d'individus capables de développer en clair l'énumération des mots dont on a la suite d'initiales : United Nations Educational Scientific andCultural Organisation, ce qui n'empêche pas, ajoute-t-il, de savoir très bien (c'est-à-dire très en gros) de quoi on parle » [31, p.55].

Ce n'est qu'avec une certaine réserve qu'on peut ranger l'abréviation parmi les procédés de formation. Par l'abréviation on ne forme pas tant des mots nouveaux que des variantes, généralement des variantes stylistiques de mots existants. Si métro, auto, cinéma, stylo, dactylo ont effectivement enrichi le français en triomphant de leurs formes complètes initiales, prof, récré, perme, colon, expo ne sont que des variantes stylistiques de professeur, récréation, permission, colonel, exposition. Il en est de même pour les sigles qui présentent « les doubles » des locutions correspondantes.

Les défenseurs du bon style s'opposent à l'emploi abusif de l'abréviation1 surtout lorsqu'on mutile des mots authentiquement français d'un emploi commun qui ont subi l'épreuve du temps (cf. : colon - pour « co-lonel », couverte pour « couverture »